Outre quelques terres et ocres rouges naturels, certaines pierres broyées ont été utilisées, avec plus ou moins de bonheur, dans la confection de pigments.
Le cinabre
C’est un composé naturel répondant à la formulation chimique HgS (sulfure mercurique).
Pourtant, les manuscrits de recettes de "cinabre" au Moyen Âge n'en parlent pas.
Lorsque qu'ils évoquent ce produit, c'est toujours un vermillon de mercure. par conséquent un cinabre artificiel.
Ce qui ne veut pas dire qu'il n'a pas été employé durant cette période.
Il est connu, probablement depuis la nuit des temps et à travers le monde, reconnu comme un des meilleurs pigments rouge.
En Égypte antique, on n'en trouve nulle trace.
Apparemment, les Grecs l'utilisaient dès le VIᵉ siècle av. J.-C. et peut-être même avant en Asie Mineure.
Au IVᵉ siècle av. J.-C. Théophraste le mentionne dans son ouvrage "De Lapidibus".
Il portera au cours des temps et notamment chez les romains de multiples appellations : Minium, minio, cinnabris, stupium, vermillon… ce qui ne facilitera pas son identification.
Nuancier du cinabre pierre.
Pline dans son livre (XXXIII, 118) nous parle de la provenance du cinabre et de la préciosité de la pierre, Il démontre aussi toutes les difficultés qu’il y a à trouver un pigment de qualité :
« Il ne nous vient guère d’ailleurs que d’Espagne… d’une mine de minium qui fait partie des domaines de l’État romain. Aucune matière n’est gardée plus soigneusement. Il est interdit de l’affiner sur place ; après cuisson, la veine de minium est mise en ballots cachetés et transporté à Rome… une loi en fixe le prix de vente pour qu’il ne dépasse pas la limite de 70 sesterces la livre. Mais, on le falsifie de plusieurs manières et c’est autant de gagné pour la société qui le produit. »
C’est un pigment rare et relativement onéreux.
Ainsi, Vitruve parlant du “Minio”, dans le “Livre VIII de De Architectura (5, 27-29)“ :
« … et la dignité qu’assurait aux ouvrages le talent de l’artisan, maintenant la prodigalité du propriétaire fait qu’on en éprouve plus le besoin… Au minio vient s’ajouter la chrysocolle, le pourpre, le bleu d’Arménie et ces couleurs lorsqu’elles sont appliquées, alors même qu’elles ne sont pas artistiquement disposées éblouissent les yeux par leurs éclats ; et par la raison qu’elle sont précieuses, elles sont mises en dehors des contrats pour être fournie par le propriétaire et non l’entrepreneur. »
Le "Noircissement" du cinabre :
Plus loin, il signalera déjà l’un des principaux problèmes que les peintres au cours des temps rencontreront avec cette couleur :
« S’il (le cinabre) est appliqué sur les enduits des salles closes, il conserve sans altération sa couleur. Mais, dans les lieux ouverts, c'est-à-dire dans les péristyles ou les exèdres et autres du même genre, où le soleil ou la lune peut faire pénétrer son éclat ou ses rayons, lorsque l’endroit peint avec le vermillon en est atteint, la couleur s’altère et, perdant sa vertu propre, tourne au noir. »
En effet, le cinabre à un isomère de couleur noire qui est le métacinabre.
Sur la plupart des roches de cinabre majoritairement rouge, nous trouvons des “grains“ noirs : le métacinabre qui viendra altérer la qualité de la couleur finale.
Le cinabre devient noir à la lumière… comment expliquer cela :
Outre le phénomène d’énantiotropie :
(La variété rouge change de couleur lorsque la température est >344 °C pour devenir du cinabre noir et la variété noire change de couleur en dessous de 344° pour devenir du cinabre rouge !)
Ce qui est possible lors de la formation de la roche, mais peu probable sur un mur !
Les chercheurs se perdent en conjecture, car ce n’est pas parce qu’un corps a franchi la limite de température de transformation pour que celle-ci se manifeste obligatoirement.
Pour certains, il s’agit simplement d’une dissociation due au rayonnement solaire en mercure et soufre.
Pour d’autres encore, c’est la mauvaise union de cinabre (HgS) et minium (Pb3O4) qui en est responsable.
(À noter pourtant que ce type de mélanges douteux devait être connu des peintres, nous trouvons d’ailleurs de multiples avertissements quant à cela.
Reste qu’une adultération a pu intervenir en aval de l’artiste (si celui-ci ne préparait pas ses couleurs).
Reste maintenant à éclaircir, si ce n’est un cinabre victime du noircissement, du moins cette énigme que nous pose la nature.
Ainsi attention particulièrement dans la peinture à l’eau (enluminure), à ce type de manifestation fortement dommageable. »
Ce manque de stabilité n’a été que fort peu préjudiciable à l’emploi du cinabre au Moyen Âge. On le retrouve cité souvent en association avec le vermillon de mercure dans de nombreux documents techniques d’époque : Ms de Bologne, Padoue Lebrun…
Préparation du pigment de cinabre :
(Hormis le traitement à l'acide et le traitement final, ceci s'applique à presque tous les pigments.)
La pierre sera choisie et traitée à l'acide.
Elle est concassée dans un mortier en acier…
…jusqu'à obtenir une poudre grossière.
La poudre est lavée et traitée.
elle est affinée longuement sur le porphyre.
Puis lavée de nouveau dans plusieurs eaux.
Le pigment sera traité une dernière fois.
Il sera agité longuement dans un liquide aqueux.
Puis traité par lévigation.
Viendra enfin la lente décantation et le séchage.
Contrairement à l’orpiment, le réalgar. (As2S2) est décomposé à la lumière en un mélange de ce dernier et d’arsénolite (As2S3).
Pline nous démontre à quel point les appellations de ces couleurs rouges sont sujettes à caution :
« Le sadix ou sandaraca s’obtient en brulant à portions égales de la rubrique et de la sandaraque native ou rouge de plomb, sorte d’arsenic …. »
À noter que la sandaraque est aussi l’autre nom du réalgar ( à ne pas confondre avec la gomme du même nom… qui d’ailleurs n’est pas une gomme, mais une résine).
Altération du réalgar.
Hématite et terres rouges naturelles :
De composition chimique (Fe2O3), c’est un oxyde de fer naturel.
Déjà au 1ᵉʳ siècle, Pline en parle sous le nom de hæmatites.
Cennino Cennini conseille de la broyer finement (chap. XLII) :
« la couleur sera d’autant plus belle à mesure qu’on la broie »
Elle se présente quelques fois en cristaux gris acier, c’est la spécularite.
La nature nous propose quelques veines intéressantes d’oxyde rouge sous forme d’ocre ou de terre, ainsi, le rouge de Venise dans les premiers temps était aussi un rouge naturel.
La préparation du cinabre et réalgar reste dangereuse (Intoxication par les poussières mortelles etc. …)
À ne pas recommander sans expérience. Faire preuve de multiples précautions de sécurité.
Prendre des mesures de précautions personnelles : gants, masque à gaz, combinaison...
NE PAS REJETER LES EAUX OU AUTRES LIQUIDES DANS LA NATURE.
LES STOCKER DANS DES CONTAINERS SPÉCIAUX ET LES REMETTRE
À UN CENTRE SPÉCIALISÉ DANS LE RETRAITEMENT DES PRODUITS DANGEREUX
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