Les matières premières des pigments de synthèse de jadis sont souvent très simples : de l'urine, du vinaigre ou du marc de raisin mis au contact de feuilles de cuivre, permettent d'obtenir du "vert de gris".
[Acétate basique de cuivre ou acétate neutre et non le carbonate hydraté de cuivre qui se dépose naturellement sur ce métal en milieu humide (voir fin de chapitre de la page consacrée à la Malachite)].
De nombreuses variantes existent. Par conséquent, suivant les adjuvants utilisés, il est possible d'obtenir des verts très différents dont certains tirent vers le bleu.
• Vert de Rouen : feuilles de cuivre enduites de savon puis exposées aux vapeurs de vinaigre.
• Vert salé : vinaigre ou urine, les feuilles de cuivre sont recouvertes de miel et de sel.
• Verdet : dissolution à chaud de vert de gris dans du vinaigre. Puis concentration du résidu sur un support.
• Vert de gris : feuilles de cuivre, vapeurs de vinaigre.
• Vert distillé : vert de gris broyé dans du vinaigre chaud, battu.
• Vert-bleu : Vert de gris, tartre, vinaigre…
• Résinates de cuivre : vert de gris chauffé avec des résines.
Nuancier des principaux "verts de gris".
Les "verts de gris"
Le terme vert de gris apparaît au XIVᵉ siècle, dérivant probablement du nom "vert de Grèce"(empire byzantin).
Il est en théorie un acétate basique de cuivre Cu (OOC.CH3) Cu (OH)25H2O.
Pourtant, les analyses faites en fonction des méthodes de fabrications permettent d’identifier principalement 2 produits différents :
- Cu(Ac)2.3Cu(OhH)2.2H2O
- 2Cu(Ac)2.Cu(OH)2.5H2O…
Acétate de cuivre brut
C’est un pigment agressif qui détruit réellement parchemin et papier.
Le procédé médiéval d'amélioration de la couleur par l'acide acétique du vinaigre se révèle aujourd'hui très agressif pour les supports. En effet, le vert de gris naturel est neutre ou basique. II ne se comporte pas comme celui obtenu par adjonction d’acide. Ceux-ci augmentent la puissance de diffusion et pénètrent parchemins et papiers jusqu'à la page suivante.
Il est d'ailleurs fréquent d'observer de telles altérations sur les manuscrits anciens. Là où furent posés de tels pigments, le travail du peintre disparait, la couleur s'estompe et le parchemin reste marqué.
Traces sombres et trous se répercutent parfois de feuillet en feuillet.
Toutefois, le "vert de gris" neutre, bien que corrosif, n’a pas la même diffusion dans le support que le vert de gris acide. Ce dernier peut pénétrer et corrompre jusqu’à la page suivante… voire plus !
Si les verts de gris sont « transportés » par un solvant acide (par exemple, le vinaigre ou le vin préconisé comme liants dans certains manuscrits techniques), tous les pigments chemineront à la même vitesse, cela leur donnera une puissance d’agression pouvant aller jusqu’à la destruction du support.
Diffusion du vert de gris au recto d'un parchemin.
Ce pigment est connu depuis l'Antiquité, les grands auteurs romains le citent et en proposent plusieurs recettes. (Pline n’en partage pas moins de huit).
Le Papyrus de Stockholm et presque tous les auteurs médiévaux iront, eux aussi, de leurs plumes pour nous en livrer le secret de fabrication. Pourtant, ils ne feront pour la plupart que se recopier ou recopier les textes grecs ou romains.
Toutefois, si le fond reste le même, les recettes peuvent varier d’un manuscrit à l’autre ou d'une recette à l'autre dans un même ouvrage.
Pigments de "verts de gris".
Ainsi Petrus de Saint Audemar donne une recette type :
« Ayez un pot neuf, où vous mettrez de fort vinaigre en prenant garde de ne pas le remplir. Prenez ensuite des lames de cuivre bien pur, placez les par le dessus sans qu’elle touchent le vinaigre, ni se touchent entre elles.… Bouchez et sceller le pot, mettez en lieu chaud, ou dans le fumier, ou dans la terre et lessez 6 mois durant. Au bout de cela ouvrez, ratissez le vert de gris, recueillez le en un pot net, faite le sécher au soleil. »
Il existe d’autres variantes :
Outre les recettes habituelles, Théophile donne aussi une recette de vert au sel ; (il stipule que ce vert est mauvais pour le parchemin).
De la même manière, Pierre de Saint Audemar décrit aussi la fabrication du vert de Rouen (cuivre, savon, urine)
Letonnelier (cuivre, tartre, vinaigre)
D’autres recettes faisaient intervenir de l’alun, du salpêtre, du sel d’ammoniaque…
Préparation du "vert de gris“
Pour la peinture à l’huile, Turquet de Mayerne dans le folio 4 de son manuscrit dit :
« Le vert de gris (dont on se sert seulement pour glacer) est tellement ennemy des aultres couleurs qu’il les tue toutes, spécialementla cendre d’Azur ; mesme si on travaille avec un peinceau (quoy qu’il semble net) qui ait été nettoyé dans l’huyle qui ait seulement touché au verdet, ou si les couleurs se mettent sur une palette où il y en ait eu, tout meurt. De sorte que qui veult travailler du verdet il fault qu’il ait pinceaulx, palette et huyle pour nettoyer à part. »
- Au f° 85, il signale :
« Le Verdet distillé pour glacer ne meurt point – mais beaucoup moings quand on passe une légére couche de vernis par dessus » (voir résinate de cuivre)
- Au f° 91 il reparlera encore du vert de gris distillé :
« Le vert de gris distillé qu’on appelle ne meurs jamais et est très beau pour glacer un tapis, un habit ou aultre draperie… puis estant sec il faut mettre une glaceure, qui dure perpétuellement. »
Il est vrai que le vert de gris “distillé” est plus profond que le vert de gris ordinaire, et il donne à l’huile (principalement pour les glacis) d'excellents résultats.
Attention à ne jamais mélanger ce pigment avec d’autres oxydations de métaux, particulièrement celles contenant du soufre.
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