La Malachite
Carbonate basique de cuivre, la malachite répond à la formule : CO3,CU(OH)2
C’est un composé instable qui se transforme très vite en brochantite ou en atacamite.
Elle est connue et utilisée au moins depuis les Égyptiens des temps prédynastiques.
Plusieurs sites d’exploitation ont d’ailleurs été mis à jour dans le Sinaï.
Chez les romains, Vitruve, Pline, Dioscoride donnent des recettes concernant cette couleur.
Ainsi Vitruve, parlant des pigments utilisés dans l’art intérieur, fait ces remarques : (Liv. VII 14,2) :
« De même ceux qui ne peuvent employer la chrysocolle (malachite) à cause de son prix, teignent du bleu céruléen (bleu égyptien) avec l’herbe luteum (gaude), et peuvent ainsi utiliser une couleur de beau vert : c’est la chrysocolle de teinture. »
Et (Liv. VII ch.5,7) :
« … Qui en effet parmi les anciens ne paraît utiliser le minio (cinabre) avec parcimonie, comme on fait un remède ? Aujourd'hui on en enduit le plus souvent des murs entiers, indistinctement. Et de même pour la chrysocolle (ou malachite DLT), la pourpre et le bleu d'Arménie. Quand on en enduit les murs avec ces couleurs, même si elles sont appliquées sans art, elles éblouissent le regard ; et du fait qu'elles sont coûteuses, elles sont mises en dehors des contrats pour être fournies par le propriétaire et non point l’entrepreneur. »
C’est donc là encore une couleur fort onéreuse.
- Le terme employé de "chrysocolle" désigne la malachite et non le silicate naturel. Il y a souvent eu confusion entre ces deux pierres et ces deux noms (voir chrysocolle en dessous).
- En effet, les romains employaient indifféremment ces deux termes pour les désigner l'une et l'autre.
Toutefois, l’utilisation de la malachite fut beaucoup plus largement répandue.
Préparation de la malachite
Au Moyen Âge, elle fut utilisée tant en enluminure (elle a été identifiée sur divers manuscrits du VIIIᵉ au XVᵉ siècle) qu’en peinture sur chevalet où on la retrouve depuis quasiment l’époque de Charlemagne jusqu'aux huiles peintes sous Louis XIV/ Louis XV.
Elle sera naturellement employée aussi en peinture à fresque.
Nuancier des différentes teintes de pigments de malachite.
Pigment naturel de malachite (à gauche sur les deux photos latérales) et pigment traité avec de la gaude (à droite sur ces mêmes photos).
- Si la préparation de ce pigment reste simple, son utilisation en peinture en détrempe est toutefois relativement délicate et demande une grande habilitée.
Photos du haut et du bas : Pigment naturel de malachite (haut et en bas à gauche) et pigment traité avec de la gaude (haut et bas à droite sur ces mêmes photos).
- Si la préparation de ce pigment reste simple, son utilisation en peinture en détrempe est toutefois relativement délicate et demande une grande habilitée.
On trouve dans le "Göttingen Musterbuch" une recette particulièrement intéressante de préparation de la malachite (GM f°5):
« Le vert de montagne ou vert marine (Berg grün oder schiffer grün) mordancez pendant la nuit dans de l’eau de vie ou dans du vinaigre ou dans du vin blanc fort. Si le vert est bien broyé, détrempez avec du vin ou du vinaigre. »
L’analyse chimique démontre que si l’on plonge un temps de la malachite dans du vinaigre il se forme un mélange de “vert de gris” (acétate basique de Cu ou tartrate de Cu) et de malachite répondant à la formule :
2 Cu(Ac)2.H2O+2 Co2+H2O.
Ce vert peut se révéler très agressif pour le support parchemin ou papier.La Chrysocolle
Nettement moins utilisée que la malachite, c’est un silicate de cuivre hydraté de formule CuSiO3.nH2O ou encore CuSiO3.2H2O.
- Vitruve la signale comme étant un matériau natif que l’on trouve dans les mines de cuivre (Liv.7 ch.9,6).
- Pour Pline, la description est un peu plus confuse : (Liv. 33 86-87).
« Elle est un liquide qui coule le long des veines d’or… elle forme un dépôt qui gagne en consistance avec les froids de l’hiver et devient dur comme la pierre ponce. On a remarqué qu'une variété plus appréciée se formait dans les mines de cuivre et une autre dans les mines d'argent. On en trouve aussi dans les mines de plomb de moindre prix que celle des mines d'or. Mais dans toutes ces mines on fait aussi une chrysocolle artificielle, bien inférieure à celle qui est naturelle. On injecte doucement de l'eau dans une veine de métal pendant tout l'hiver jusqu'au mois de juin, puis on laisse sécher de juin à juillet, ce qui montre bien que la chrysocolle n'est rien d'autre qu'une veine pourrie. La chrysocolle native diffère de celle-ci surtout par sa dureté. On l’appelle “uva” et pourtant on la teinte elle aussi avec le “lutum” (gaude).»
Plus encore qu’avec la malachite le terme porte à confusion.
En effet, selon Marcelin Bertelot ( Grande encyclopédie édit.1885-1902 t.11 p.317) ce mot à plusieurs sens, il désigne :
- L'opération même de la soudure de l'or.
- Les matières employées pour cette opération telles que certains alliages d'or.
- Un sous-sel de cuivre mêlé de fer provenant de la décomposition d'une veine métallique par l'eau.
Décomposition spontanée ou provoquée ? (voir Pline au-dessus)
- La malachite.
- Le produit obtenu en faisant agir sur le vert de gris de l'urine et du natron …
Et il termine en argumentant :
« Ajoutons que nos traités de minéralogie moderne ont détourné le mot chrysocolle pour l’appliquer arbitrairement à un hydrosilicate de cuivre ».
En tout état de cause, nous la retrouvons tout de même dans certaines tombes égyptiennes de la XIIᵉ dynastie et dans quelques peintures murales d’Asie.
Quant aux romains, Pline, (Livre 33 de "l'Histoire Naturelle" ch. 90), signale que l’on en vendait de plusieurs qualités.
Mais de quoi s’agissait-il vraiment… ?
Une terre verte est une roche (un mélange de minéraux) dont l’un au moins est vert.
Deux minéraux sont responsables de cette teinte : la céladonite ou la glauconie.
En détrempe ou à l’huile, elle n’a que peu de corps.
Toutefois, si son usage seul n’est pas recommandé sur parchemin, elle sera particulièrement appréciée en glacis d’huile.
Bien que nous puissions contester le terme de "naturel" pour le carbonate hydraté de cuivre, cette oxydation n'est pas volontairement provoquée.
C'est un vert facilement accessible qui n'a pas manqué d'être utilisé par les anciens.
Pline, Vitruve la cite, Dioscoride utilise l'expression de "rouille de cuivre".
il va sans dire qu'il est difficile d'interpréter leurs propos. l'imprécision des termes fait qu'il s'applique aussi bien à des verts bleus qu'à la corrosion naturelle du cuivre.
Le cuivre s’oxyde donc « naturellement » grâce à l'agression extérieure que constitue l’air atmosphérique (humidité et dioxyde de carbone) selon la formule :
2Cu(s) + O2(g) + H2O(g) + CO2(g) → Cu2(OH)2CO3(s).
C’est là, le vrai vert-de-gris, un hydroxycarbonate de cuivre.
En fonction de la teneur en dioxyde de soufre du milieu d’oxydation (pollution), l’altération du cuivre formera principalement de l’antlérite : hydroxy-sulfate de cuivre (Cu3(OH)4SO4), de la brochantite : ( Sulfates anhydres de cuivre (Cu4SO4(OH)6) ou à proximité de l’air marin de l’atacamite : hydroxychlorure de cuivre (Cu2Cl(OH)3).
C’est en général un mélange de ces divers éléments, bien que la brochantite soit la plus fréquemment rencontrée.
Cette couleur verte n'est pas sans rappeler celle de la malachite : (CuCO3·Cu(OH)2) qui se transformera elle aussi, dans le temps, en brochantite ou en atacamite.
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