Le lapis-lazuli

Le bleu de lapis-Lazuli ou l'outremer naturel

le bleu de lapis-Lazuli ou l'outremer naturel

Enluminure Arthur & Lancelot f°1 v. plan de fuite « paysage »
Nuancier du lapis-lazuli

Pierre semi-précieuse d’un coût élevé (*).

Même si la légende (moderne) en fait le bleu de référence du Moyen Âge, il fut beaucoup moins utilisé que l’azurite.

Souvent même, on ajoutait un ou plusieurs glacis de lapis-lazuli sur un fond d’azurite.



  • (*) Aux XVIᵉ et XVIIᵉ siècle, il arrivait que le commanditaire d’un tableau doive fournir en plus du prix à payer pour le travail, le pigment de bleu outremer.
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Comparatif lapis/azurite

Le nom de bleu outremer vient de la provenance du lapis-lazuli : outre la mer de référence commerciale d'alors qu'était la mer Méditerranée.

Il ne semble pas que son usage fut très répandu dans le monde égyptien ou romain, la fritte d’Alexandrie (bleu égyptien) lui faisait grande concurrence d’autant qu’il était plus abondamment disponible et meilleur marché. Théophraste et Pline le citent pourtant comme pigment sous le nom pour le premier de "kyanos" (*) et pour l’autre de "cæruleum scythicum".


  • (*) D’après la description qu’en fait Théophraste cela pourrait aussi correspondre au bleu égyptien. Il dit que ce pigment fut découvert par un roi et mis au point à Alexandrie. (Vitruve reprendra l’anecdote.)

Enluminure Arthur & Lancelot f°1 v. plan de fuite « paysage »
Pierre de lapis-lazuli.

C’est une pierre qui, lorsqu’elle est pure, peut s’utiliser simplement broyée très finement en adjoignant, en fin de broyage, un alcalin gras léger (lessive).


Elle est composée de différents minéraux : la lazurite (responsable de sa couleur), la calcite et la pyrite de fer.


Sa densité : 2,7 à 3, fait qu’il faut, pour une bonne quantité, des semaines de broyage manuel pour obtenir un pigment facilement utilisable.

Ensuite, il sera nécessaire de recourir à un lavage lui aussi très long. (Pour une pierre de choix, nous comptons trois mois de travail).

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Pigments de lapis de l'Atelier.

Pour une pierre de médiocre qualité, elle peut être chauffée “jusqu’à estant rouge” puis éteinte brutalement dans de l’eau froide. Elle sera alors partiellement débarrassée de ces impuretés.

Sir Théodore Turquet de Mayerne dans son manuscrit nous en donne la recette (folios 75-76)


« Sur la véritable façon de faire la couleur du lapis lazzuli :

  • Prenez la quantité voulue de Lapis Lazzuli bleu veiné de jaune, brisez-le dans un mortier en fer en morceaux gros comme un haricot, puis mettez dans un creuset au-dessus d'un feu vif jusqu'à estant rouge. Laissez-le ainsi un demi-quart d'heure, puis mettez-le dans un récipient de terre recouvert de vinaigre en faisant évacuer la fumée qui s'échappe pendant cette opération et qui est malsaine.

  • Quand ce mélange est froid, videz le vinaigre, et lavez la pierre jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucune odeur de vinaigre, puis laissez sécher près du feu.

    Ceci étant fait broyez très finement dans un mortier en fer, passez au travers d'une fine passoire. Il faut aussi moudre sur un marbre ou une pierre dure quelconque pendant environ une demi-heure avec de l'huile de graines de lin, jusqu'à ce qu'il devienne aussi impalpable qu'un onguent, et c'est ce qu'il y a de plus important dans la préparation… »

Préparation d'une pierre de lapis-lazuli.

Préparation d'une pierre de lapis-lazuli.

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Après avoir concassé la pierre, début de cuisson d’un lapis.
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La pierre sera chauffée jusqu’au rouge vif.
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Lorsque le temps et la température estimés sont atteint nous la retirons du four.
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Puis, encore rouge, nous provoquerons une extinction brutale...
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...ici dans du vinaigre étendu d'eau froide.
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La pierre sera ensuite mise sur le “marbre” et broyée finement.

Si la couleur n’est pas assez vive, le pigment sera traité avec une pâte composée de cire, mastic en larme (*), huile de lin et d'autres ingrédients.

Là encore T. de Mayerne dans la suite de sa recette (folios 76) donne ces indications :


  • « Quand tout est ainsi broyé prenez le même poids de colophane et de cire que celui du lapis lazzuli avant le broyage, mélangez ensemble ces deux produits dans une casserole de cuivre, puis avec la pierre broyée ainsi qu'il a été dit auparavant en les remuant bien avec une spatule. Puis versez ce mélange aussi chaud que possible dans un grand pot de terre rempli d'eau froide, ce qui le rendra dur comme plâtre aussitôt — et alors travaillez le avec vos mains en forme de boule.

  • Puis mettez le pot à feu doux jusqu'à ce que l'eau devienne tiède. Ceci étant fait travaillez cette mixture avec vos mains dans l'eau, energiquement, pendant une heure, et vous verrez l'eau devenir très bleue. Alors sortez la masse, et secouez bien l'eau et versez-la dans un large pot en terre en le couvrant afin que rien ne tombe dedans...

  • Remettre ce même mélange dans une autre eau et recommencez une troisième fois de la même façon, en conservant tout ces mélanges, dont le premier est le meilleur.

  • Laissez tout reposer jusqu'à ce que la couleur tombe au fond. Alors décantez, séchez les poudres sur des cendres chaudes et gardez-les chacune à part pour vous en servir. »
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Pigment de lapis de mauvaise qualité qui sera traité.
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Pâte en "boudin" servant au traitement du lapis-lazuli
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Pigment de lapis-lazuli de premier choix.

La poudre sera introduite dans le mélange, et la pâte sera façonnée en boudin.


Après au minimum 15 jours, cette dernière sera malaxée dans de l’eau tiède permettant au lapis de se séparer d'elle.


Le premier outremer à sortir sera le plus beau. En fin de travail, la poudre sera longuement lavée dans l’eau bouillante puis à l’alcool chaud.

Cependant, la perte est impressionnante, nous n’obtenons alors que 15 à 20 % de pigment d’une qualité toutefois remarquable. (**)


  • (*) Le mastic est la résine (larme) du lentisque. Bien que l’arbre soit assez courant (Méditerranée orientale, Afrique et Amérique) la légende raconte que le végétal ne « pleure » que sur l’île de Chios en Grèce, et seulement dans la région des Mastihohoria (village à mastic).

  • (**) Aujourd'hui comme hier. Il y a souvent confusion dans les termes, les procédés de production et les matériaux employés. On trouve, en effet, dans une brochure qui se veut informative concernant les “recettes éprouvées” de la fabrication, entre autres, des pigments. Une page consacrée à la préparation d'un mastic de vitrier (huile de lin et craie) pour « raffiner » la poudre de lapis-lazuli !


Ne surtout pas employer de mastic de vitrier, car alors, ce serait la totalité du pigment qui serait perdue !

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Pigment de lapis de 1ᵉʳ choix.
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Pots de pigments de lapis de l'Atelier.

Falsification du lapis-Lazuli

Comme tous les produits de prix, le lapis connu ses faussaires et ses fraudes.


L'adultération du produit avec une coloration ou une laque de bois de brésil, de cochenille, etc… devait être courante. Quelques fois le peintre lui-même se livrait à ces pratiques peu recommandables.

Par exemple dans la recette de Cennino Cennini :


  • « Si la pierre d’outremer n’est pas parfaite et si broyé le bleu n’était pas assez riche, prends un peu de kermès pillé et un peu de bois de campêche, … cuis les ensemble dans la lessive, ajoute un peu d’alun.


  • Quand le tout est en ébullition et d’un vermillon parfait avant que tu ais retiré l’azur de ton vase, bien séché et purgé de lessive, verse dessus un peu de cette cochenille et avec le doigt mélange bien tout ensemble et laisse reposer tant qu’il soit sec sans être exposé au soleil au feu ou à l'air. Tiens toi pour dit qu'il faut une singulière habilité pour réussir. C'est plutôt l'affaire de belles jeunes filles que de nous les hommes, elles restent continuellement à la maison et ont les doigts plus déliés.

    Méfie-toi des vieilles » !

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Falsification du lapis-lazuli.

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